mai 2, 2020
Si vous avez besoin de pistes générales pour la gestion des émotions, (re)lisez l’introduction de mon article sur « La gestion des émotions : la peur ».
La colère est une des émotions principales (peur/colère/tristesse/joie) qui nous définissent en tant qu’être humain.
Son étymologie est ancienne, du latin cholera on remonte au grec χολή et à l’indo-européen, elle signifie « bile » et à la fois « cholera ». Son origine, nous renseigne sur son aspect à la fois très intime et personnel (la bile) mais aussi sur les dégâts qu’elle peut faire et la manière dont elle peut se propager (choléra).
Afin d’aborder ce sujet, nous devons d’abord comprendre son fonctionnement pour s’avoir comment agir dessus.
Vous êtes en colère ? C’est qu’on a touché à vos valeurs !
La colère est une émotion (donc une information), qui dit quelque chose de vous. Quoique vous fassiez les émotions finissent toujours par ressortir. Mais pas toujours de la manière que vous souhaiteriez… D’où l’intérêt de savoir intelligemment les gérer.
L’émotion est un message qui vous prévient de l’état dans lequel vous êtes et qui vous informe de ce qu’il se passe en vous. C’est pour ça qu’il faut l’écouter attentivement.
Vous déclenchez de la colère quand vos valeurs sont choquées. C’est une réaction naturelle et tout à fait normal envers une chose/une personne qui vous a blessé.
Dans la plupart des cas elle provient :
– d’une sensation d’injustice consciente ou inconsciente
– d’un manque de reconnaissance
– d’un besoin d’affirmation de soi
Par exemple :
Un enfant qui grandit dans un environnement violent peut déclencher de la colère (dans sa scolarité ou dans sa famille) pour lutter contre cet environnement.
C’est un acte de survit de l’inconscient, un acte de résistance contre la situation qu’il subit.
La « juste colère » est une force utile alors que la colère limitante est une bombe à retardement.
« Je n’épargnerai rien dans ma juste colère. »
Andromaque, I, 4., Jean Racine
Cette colère est une force. Grâce à elle vous pouvez vous sortir d’une situation inextricable. Dans les films, c’est la colère des supers héros qui leurs permettent de dépasser leurs limites. C’est une force de survie, une force de changement.
Cette colère est justifiable et souvent nécessaire. Elle vous porte jusqu’à vos objectifs, elle vous défend d’une oppression.
Par exemple :
La colère de la lutte des femmes pour leurs droits et leurs places dans la société, est une colère juste qui vient d’une indignation que l’on ne peut pas ignorer.
La « juste colère » est donc une indignation, qui peut déclencher du courage, de la magnanimité ou un sentiment de justice . C’est ce dont nous parle Saint Thomas d’Aquin ou même Gandhi (dans le livre de son petit fils Le pouvoir de la colère).
Cette indignation est un pouvoir de changement incroyable : c’est l’expression de votre force vitale, votre capacité à quitter une situation invivable pour une vie plus harmonieuse. C’est ce que vous ressentez quand vous avez le courage de changer votre quotidien.
J’en suis témoin tous les jours dans mon cabinet, les personnes que j’accompagne font preuve d’un courage, d’une ténacité et d’une force d’indignation qui leurs permettent de dépasser leurs limites. Et c’est merveilleux à voir car les émotions (même celles fortes et difficiles à gérer) sont les manifestations de la vie.
« Les conséquences de la colère sont beaucoup plus graves que ses causes. »
Pensées pour moi-même, Marc-Aurèle
La colère limitante est une rage, une rage explosive contre quelqu’un, contre une situation, contre vous-même. Et elle peut-être dangereuse.
Or, n’étant pas gérée, elle renferme de la frustration. Elle entraîne ainsi violences, comportements colériques, emportements, ressentiments qui peuvent vous faire faire ou dire des choses que vous regretteriez.
Dans cette colère limitante, il n’y a pas d’acceptation de l’émotion, on lutte contre elle ou on la fuit. Et quand elle peut enfin s’exprimer, elle fait des dégâts sur vous-même ou votre environnement.
Par exemple :
Une personne qui s’empêche de ressentir de la colère pendant des années, qui vit dans un environnement très frustrant, peut finir par déclencher une crise de colère et devenir violent avec lui-même ou les autres.
S’abstenir d’être indigné, c’est à dire imaginer que le monde n’est qu’amour, que le conflit n’existe pas, est une fuite ou un déni ; autant que d’imaginer l’extrême inverse.
Un des objectifs de la gestion des émotions est la recherche de l’harmonie intérieure : l’équilibre entre l’expression naturelle de la « juste colère » et la gestion de la colère limitante. Donc savoir accepter son émotion sans déverser sa colère partout et réagir trop à chaud.
Il y plusieurs façons d’agir sur la colère, mais elles passent toutes par la première étape : l’acceptation.
Dans une société qui prône l’happycratie et qui condamne l’expression naturelle des émotions, cela peut-être difficile d’accepter une émotion forte. Si vous niez consciemment ou inconsciemment votre émotion, cela va la renforcer et la rendre encore plus difficile à gérer. Autrement dit, évitez de faire l’autruche.
Les premières étapes à la gestion des émotions sont : l’acceptation et la tolérance.
Accepter et tolérer de ressentir de la colère, c’est être capable de la regarder sans la juger, sans vous juger.
Par exemple :
Une personne qui ressent de la colère peut vouloir que les autres souffrent aussi afin qu’ils puissent reconnaître son émotion.
C’est un processus naturel, cette reconnaissance diminuera les symptômes. Vous pouvez reconnaître sa souffrance en lui disant que vous comprenez ce qu’il ou elle ressent. Reconnaître la souffrance de l’autre ne veut pas dire en être responsable.
La pratique de cette acceptation et de la tolérance envers vous-même mais aussi envers les autres est un acte de courage et de sagesse. Vous en sortirez grandi et avec une colère plus sereine.
Votre émotion trouvera toujours à s’exprimer, à travers un geste non voulu, un mot de trop, une douleur physique, une sensation… Dans tous les cas elle voudra sortir et s’exprimer.
Imaginez les émotions comme de l’eau. Vous êtes le paysage sur laquelle évolue cette eau. Même si vous construisez des barrages pour retenir cette émotion, elle trouvera toujours une faille pour pouvoir sortir et s’exprimer. Et quand le barrage se brise sous le poids de l’émotion retenue depuis des années, cela peut-être très difficile.
Alors vaut-il mieux la laisser couler (s’exprimer) ou essayer vainement de la retenir (la nier) ?
On utilise même des techniques d’expression de la colère pour gérer des traumatismes, après une agresse par exemple, exprimer sa colère permet de quitter la position de victime. En voici un bon exemple dans la série Sex Education où une victime d’agresse sexuelle exprime sa colère en brisant des objets dans une décharge. J’utilise cette technique au cabinet (en hypnose, vous ne cassez rien dans mon bureau physiquement !).
Comment exprimer sa colère :
– Par la parole, que ce soit calmement ou en jurant très fort (ni contre les autres, ni contre soi-même).
– En jouant à des jeux vidéos violents ou en regardant un film d’action pour se défouler. On appelle cela la catharsis (« purger son âme des passions » selon Aristote), c’est une des fonctions du théâtre durant l’antiquité. Comme le cinéma maintenant !
– Par des gestes non violents (comme la danse, sauter ou lancer un oreiller sur un lit, courir, etc.).
– Par la violence mais dans un cadre sécurisé (salle de boxe et sous contrôle de vos gestes, etc.).
– Par l’art : l’art permet de sortir vos émotions, c’est très bénéfique (la photographie en autoportrait, l’écriture, la peinture, la sculpture, etc.).
Dans tous les cas, il faut qu’elle sorte et elle trouvera un moyen de sortir, alors autant que ce soit volontairement et d’une manière sécurisée. Trouvez un moyen, du moment que cela ne fait de tort à personne y compris vous-même.
La plus grosse difficulté pour gérer cette émotion réside dans le fait de savoir l’accepter et l’exprimer, sans pour autant réagir à chaud aux stimulations extérieures.
Par exemple :
Vous recevez un mail qui vous met en colère.
Première étape : j’accepte que cela puisse m’agacer.
Deuxième étape : je me change les idées (je fais un tour dehors, je me passe de l’eau sur le visage)
Troisième étape : j’attends et je réfléchis avant de répondre.
Quatrième étape : je réponds.
(Vous pouvez aussi écrire un brouillon de mail dans lequel vous mettez tout ce que vous pensez, quitte à insulter le destinataire pour que vos émotions sortent. Puis vous le supprimez et vous en écrivez un plus « poli »).
Il y a des milliers de techniques en hypnose pour gérer ses émotions. Je vous en parle en cabinet lors des entretiens individuels mais aussi en ateliers d’initiation à l’autohypnose.
Vous pouvez donner des couleurs, des textures et des sensations à vos émotions pour aider votre inconscient à les visualiser et ainsi mieux les exprimer et les gérer.
Par exemple :
– La peur est bleue, gelée comme de la glace. Elle prend à la gorge.
– La colère est rouge et brûlante comme une explosion électrique. Elle prend les épaules.
– La tristesse est grise, froide et humide comme un nuage. Elle monte aux yeux.
– La joie est chaude, lumineuse comme un soleil un soir d’été en terrasse. Elle se répand dans la poitrine.
Personnalisez cette liste, qu’elle vous convienne le mieux.
Une fois cela fait, utilisez votre souffle pour gérer vos émotions.
Vous ressentez une grande peur ?
Vous voulez ressentir de la joie ?
Fermez les yeux et concentrez vous sur votre respiration.
A chaque inspiration remplissez vos poumons de la couleur de la joie.
A chaque expiration videz votre corps de la couleur de la peur.
Jusqu’à que vous baigniez dans la joie.
Visualisez un grand espace comme une carrière vide ou une décharge automobile. Ensuite demandez à la colère de sortir de vous et de prendre sa « véritable forme », vous pouvez imaginer un très grand monstre ou alors une version de vous énorme avec une grosse batte de baseball. Ensuite vous laissez la colère se défouler autant qu’elle le souhaite dans cet endroit, casser tout ce qu’elle peut, jusqu’à épuisement.
Puis vous lui offrez cet endroit et vous lui dîtes que quand elle en ressent le besoin elle peut aller se défouler là-bas. Comme vous pourriez aller à la salle de sport pour vous décrasser après un moment psychologiquement épuisant.
Pour conclure : la colère, comme toutes les émotions est un message. Si vous essayez de le comprendre et que vous l’exprimez (en thérapie par exemple) vous parviendrez à vous améliorer et gagner en sérénité.
Bien à vous,
Tristan
Pour aller plus loin :
– Exprimer sa colère sans perdre le contrôle, Didier Pleux, 2017, Odile Jacob
– Le livre en colère, Ramadier & Bourgeau, 2019, Ecole des Loisirs
– Emotions : Quand c’est plus fort que moi, 2017, Catherine Aimelet Perissol